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Quels sont les mécanismes cérébraux qui permettent l'accès à la conscience ? Cette interrogation naît d'une découverte étonnante : notre cerveau est capable d'extraire une grande quantité d'information sur des stimuli extérieurs, même lorsque nous sommes incapables de rapporter explicitement leur présence. La perception pourrait donc fonctionner selon deux modes : conscient et non-conscient. Dans ce travail de thèse, nous avons tenté de préciser les relations entre ces deux modes de traitement perceptif en utilisant le protocole de clignement attentionnel (attentional blink), dans lequel on observe classiquement un déficit d'identification ou même de détection d'une cible visuelle qui est pourtant présentée au centre de notre champ visuel et pour des durées relativement longues. Dans une série d'expériences comportementales, nous avons demandé à des observateurs d'évaluer la visibilité d'une cible visuelle (un mot) sur une échelle continue. Bien que cette échelle offre la possibilité de rapporter des changements fins et graduels dans la perception de la cible, nous avons observé, dans la condition de clignement attentionnel, une dissociation entre deux types d'essais : pour des stimulations identiques, dans certains essais la cible était aussi bien perçue que lorsqu'elle était présentée en dehors du clignement attentionnel, tandis que dans les autres essais, les sujets utilisaient l'échelle comme si aucune cible n'avait été présentée. Ceci suggère que le traitement non-conscient ne correspond pas à une simple dégradation des même processus qui sont impliqués dans le traitement conscient. Ces résultats semblent plutôt indiquer l'existence d'une dynamique discontinue conduisant à l'accès à la conscience. Une étude d'électro-encéphalographie utilisant le même protocole nous a permis de préciser la dynamique temporelle des processus cérébraux sous-tendant la dissociation perceptive observée en comportement. Nous avons comparé, à stimulation identique, toute la séquence de potentiels cérébraux évoqués par le mot cible, selon qu'il était consciemment perçu ou non. Le traitement visuel précoce (P1, N1) était totalement préservé pour les cibles non-conscientes. Cependant, à la suite d'une période de transition rapide (entre 200 et 300 ms après la présentation de la cible), les cibles conscientes évoquaient une série de potentiels tardifs (N3, P3a, P3b), totalement absents pour des cibles non-conscientes. Nous proposons que l'accès à la conscience repose sur la mise en jeu optionnelle d'un réseau d'aires parieto-fronto-cingulaires permettant d'amplifier et de maintenir les représentations sensorielles et conceptuelles extraites du stimulus, et de mettre en communication des aires cérébrales éloignées. Ces mécanismes neurophysiologiques pourraient rendre compte des possibilités offertes par le traitement conscient qui se manifestent en comportement, depuis la possibilité de rapporter le stimulus jusqu'à l'utilisation stratégique des informations extraites de ce stimulus. |